Discours Barlach Heuer Exposition Loetz 1900 Verre de Boheme Conches 2018
Discours de Barlach Heuer lors du Vernissage de l'Exposition " Loetz 1900 Verre de Bohême " Musée du Verre de Conches du 17 Mars au 27 Novembre 2018
Le Musée du Verre de Conches en Ouche sous la direction de Monsieur Eric Louet Directeur des Musées de Conches organise l'Exposition " Loetz 1900 Verre de Bohême " du 17 Mars au 27 Novembre 2018.
Ci-dessous vous pouvez découvrir le discours prononcé par l'Artiste peintre Barlach Heuer lors de l'inauguration de l'Exposition " Loetz 1900 Verre de Bohême " du Musée du Verre de Conches.
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Mesdames, Messieurs – mes Chers Amis!
Je suis heureux, enthousiaste de nous trouver de nouveau réunis pour une exposition donc le sujet me tient à cœur. A Conches, où mes vœux les plus chers se réalisent à grands pas...
Venir jusqu’à vous à toujours été quelque chose de particulier – J’oserai parler de pèlerinage. Autrefois – avec ma femme – pour rendre visite et acquérir des trésors à François Décorchemont: et aujourd'hui ?
Je sais d'avance que inévitablement je serai ému aux larmes – larmes de joie! – car je découvre des œuvres d'art grâce à une scénographie exceptionnelle. Vous apprécierez certainement avec étonnement et surprise, cette première exposition de la manufacture Loetz en France.
Outre les prêteurs, je voudrais rendre hommage à deux personnes:
Monsieur le Dr. Dedo von Kerssenbrock-Krosigk, conservateur du «Glasmuseum Hentrich» au «Museum Kunstpalast de Düsseldorf» qui avec générosité a soutenu cette aventure au-delà de toute espérance : merci à lui !
Et Eric Louet: quel homme! Quel ami! Quelle promesse d'avenir! Avec son équipe, ils ont encore une fois réalisé un ambitieux chef-d’œuvre. J'adore ces rencontres d'où naissent des réalisations qui permettent à chacun de donner sans réserve le meilleur de soi même –
main dans la main –, persévérants pour bâtir un projet dans un lieu et un temps précis. Mon admiration pour eux est sans limite, car je dois vous avouer – que mis à part le charisme de mon père – je n'ai jamais retrouvé une telle conscience. Quelle joie d'être à leurs côtés.
Parlons de Loetz ? Non! J'aimerai tout d'abord partager quelques lignes que j'ai découvert récemment inopinément. L'auteur était farouchement passionné, préoccupé par l'art, sans être particulièrement attentif à l'ART NOUVEAU, encore moins à la verrerie de Bohême Belle Époque. Je vous laisse deviner l'auteur enflammé de ces textes, écrits à peu près en même temps que naquirent ces créations emblématiques. C'est certainement une voie pour accéder à la beauté magique.
«(...)Car la Beauté est un point d'arrivée, non un point de départ, et une chose ne peut être belle que si elle est vraie: hors de la Vérité, point de Beauté; la Vérité elle-même n'est qu'une complète Harmonie (…) (…) parce qu'harmonieuse, la Nature est vraie, et parce que vraie, elle est belle, éternellement et prodigieusement belle.
Tous les grands artistes de tous les temps sont des voix qui chantent à l'unisson la louange de la nature. Les siècles peuvent intervenir entre eux, ils restent contemporains.
Je voudrais faire aimer cet art merveilleux, concourir à préserver ce qu'il reste encore d'intact, réserver pour nos enfants la grande leçon de ce passé que le temps présent méconnaît. Et dans ce désir, j'essaie d'éveiller les esprits et les cœurs à la compréhension et à l'amour.
Mais je ne puis tout dire. Allez voir. Et surtout , regardez avec simplicité.
En somme, la beauté est partout. Ce n'est point elle qui manque à nos yeux, mais nos yeux qui manquent à apercevoir.
Le grand point est d'être ému, d'aimer, d'espérer, de frémir, de vivre. Être homme avant d'être artiste.
Faire avec ses mains ce que l'on voit.
Le monde ne sera heureux que quand tous les hommes auront des âmes d'artistes (…)»
Alors, à qui pensez-vous ??? — Oui, il s'agit d'Auguste Rodin!
Il y a plus d'un demi siècle… Sans la moindre connaissance, j'ai récolté des vases comme ceux-ci et d'autres objets 1900 et plus tard ART DECO. Dans le fond c'est une quête sans fin…, peut-être être celle de l’âme d’un passeur. Mis à part quelques revues d'époque, il n'existait aucune documentation. Loin de tout esprit cartésien, j'étais guidé par ma seule intuition – quelque chose d'inné. Car être formé peut impliquer le risque d'être déformé. Et j'étais seul sans personne avec qui échanger et partager cet engouement. Obstinément, j'ai pris la liberté de défendre avec conviction un art désuet, tombé aux oubliettes. La question essentielle étant: Ces objets ont-ils encore quelque chose a nous transmettre actuellement? C'est ainsi que j'ai redécouvert peu à peu L'Art Nouveau qui fut également le départ de l'Art Moderne sous toutes ses facettes. Cet appel irrépressible, obsessionnel, qui me hantait, me soutenait dans ma quête effrénée de beaux objets, qui de mes mains passaient aux mains d'autres amateurs... Gallé poète du verre, Lalique bijoutier inspiré, la liste est bien longue de tous les créateurs ignorés… Esthétique sans étique n'est que ruine de l'âme !
A part quelques exceptions, les marchands pour rendre plus vendable et moins triste leurs pièces les ciraient sur la saleté, pour «patiner», cachant ainsi la transparence et la subtilité des couleurs. Pouvez vous imaginer qu'à l'époque, ces objets étaient mis à l'écart dans les musées, au plus profond de leurs réserves? Raison de plus de les aimer d'avantage!
Lors des premiers transports volumineux, aux passages à la frontière, les douaniers ne prenaient pas nos déclarations au sérieux, se sentaient injuriés de devoir perdre leurs temps; eux cherchaient des choses sérieuses : armes, drogues, alcool, etc.…
Avec quelle énergie, j'ai parcouru des kilomètres pour chiner. Quel bonheur de porter et de serrer contre ma poitrine mes trouvailles! Aux Puces de Clignancourt – mon terrain de chasse préféré – , allant d'un stand à l'autre, j’essayais de partager ma fascination et mon désir d'en trouver encore d'autres...
Les commerçants, contents d'être éclairés, me prenaient pour quelqu'un de «bien gentil»…. Au fil du temps, mon baratinage a trouvé écho, compréhension et inspiré confiance. On me donnait même la possibilité d'acheter à crédit, ce qui n'était pas d’usage. Bien que mon enthousiasme ai été malheureusement freiné par mes moyens financiers inexistants, je collectionnais inlassablement – mais je devais toujours revendre pour subvenir aux besoins de ma famille. Je trouvais surtout en Allemagne, suite à une longue période de frustrations de culture nazie, une vague de nostalgie, un désir de vouloir se rattraper – oublier l’innommable.
Lentement – avec hésitation – les choses ont évoluées, avec l'exposition «Les sources du XX° siècle» en 1960 au Musée d'Art Moderne de Paris.
Ma collection de Loetz devint une exposition itinérante, au départ de la Stuck-Villa de Munich en 1971. Ce fut un tel succès, que grâce à l’intervention du Professeur Helmunt Hentrich – architecte, mécène, homme de confiance et incomparable humaniste –, que l'ensemble fut acheté par la ville de Düsseldorf. Pour la première fois de ma vie, je disposais de ressources qui me permirent d'acheter et de déposer en prêt à long terme des pièces choisies de différents créateurs, pour compléter la fabuleuse donation Hentrich et arrondir l'ensemble Loetz avec des pièces majeures achetées sur le marché américain, où les plus beaux spécimens étaient exportés pour concurrencer la production féerique de Tiffany.
Quelque chose me tient à cœur: face à une beauté magique, une perfection nous laissant sans voix, ne soyons pas seulement éblouis, subjugués par des effets superficiels, charmés par un décor irisé. Ses œuvres ne sont pas uniquement de superbes objets décoratifs.
La frontière entre une création utilitaire et artistique reste floue.
Les maîtres verriers, par la transmutation de la matière nous conduisent vers une vision, que nous devons acceptée telle quelle. De tout temps leur mains ont été guidées vers les formes immuables, bols, cruches, vases... Ces derniers portent les signes de leur époque, plus les impératifs d'une manufacture.
Les flacons de Marinot, inutilisables avec leurs bouchons qui ne sont
pas hermétiques, ont leur volume entièrement remplis de spiritualité. Ce phénomène est plus difficile à appréhender avec un vase de Gallé, des pichets de Schneider père et fils, un bol de Décorchemont ou un vide poche de Thuret. Outre le danger, l'usage peut à lui seul les profaner.
La force spirituelle et la beauté qui empoignent l'âme au-delà de la
raison, me font dire que l'art exerce sur nous une influence mystique comme une évidence, une nécessité de la vie. Le bonheur est fragile, aucune société ne peut vivre sans valeurs morales, sans rêves,
sans promesses d'avenir… A nous de découvrir le message qui nous a été adressé. Soyez animiste, lucide – prêt à être initié.
Un vase concrétise le dialogue entre vide et plein. L'ensemble naît au travers des formes et contre formes, des applications, de l'aura du contour. Caressez les du regard, découvrez leurs forces sculpturales, leurs dimensions que l'imaginaire peut faire varier à l'infini, leurs cols aux lèvres sensuelles… De leurs bases ancrées dans la sphère terrestre, leurs corps s'élancent vers une aspiration céleste…
Sur leurs surfaces, suivez la rythmique des ondulations, des vagues avec leurs structures parallèles, des taches semblant fortuites mais maîtrisées, des coulées de lave, évocation de plumes de paon, papillons et arc en ciel, spirales emblématiques, sublimes, se développant vers l'abstraction.
Les couleurs dans leurs magnificences rayonnantes, douces, nuancées, aux lueurs tendres, parfois rehaussées par des fonds rouge rubis, évoquent le micro et le macrocosme – message universel.
Une œuvre d'art est vivante, elle nous parle….
Jugez avec votre âme, votre esprit et votre cœur!
Merci de m'avoir écouté.
Barlach Heuer - Copyright 2018 - Tous Droits réservés - Reproduction partielle ou totale Interdite.
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Discours de Barlach Heuer prêteur pour l'Exposition " Loetz 1900 Verre de Bohême " en présence de Monsieur Alfred Recours, Maire de Conches, Monsieur Christian Gobert, Adjoint au Maire chargé des affaires culturelles et Monsieur Eric Louet Directeur du Musée de Conches.
Adresse du Musée :
Musée du Verre de Conches
Route de Sainte Marguerite
27190 Conches France
Mis à jour (Mercredi, 15 Août 2018 12:54)